Journées de l'économie à Lyon (à lire jusqu'au bout... c'est la fin qui compte !)

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Deux jours à manger des conférences avec une partie du gratin de l'économie française. Bien entendu, je ne suis que simple auditeur et loin de moi l'idée de me qualifier de gratin... vous pensez bien ! Néanmoins, l'un des organisateurs a mis en ligne un test sur les connaissances économiques des Français et... j'ai eu la note maximale obtenue ! J'espère bien que vous allez vous bousculer pour faire ce test et dépasser mon score (18,5) !
Néanmoins, me direz-vous, comment cela se fait-il que je n'ai pas eu 20 ?
D'abord, je ne suis pas le gratin de l'économie !
Ensuite, ce test a des limites. Certaines questions me sont apparues très floues (sur les profits par exemple).
Enfin, la première partie ne me semble pas neutre : elle apparaît très conforme à l'orthodoxie économique à laquelle nombre d'économistes faisant partie du gratin semblent tourner le dos alors qu'il y a encore quelques mois, ils y croyaient dur comme fer. Un test n'est jamais neutre, toujours porteur d'une idéologie (la nature des questions, les bonnes réponses attendues, ce qu'on considère comme la base de l'économie...) et dans cette perspective, avoir trop de culture économique peut être un handicap... C'est comme les tests de l'armée : "poule, canard, oie, cochon, trouvez l'intrus". Le premier crétin venu vous dira le cochon alors qu'un être érudit pensera peut-être à la poule qui, contrairement aux autres, déteste l'eau et l'humidité.
Les économistes sont donc très doués pour produire des vérités absolues qu'ils partagent seuls mais qui ne font aucun consensus. A titre de preuve une anecdote à laquelle j'ai été témoin lors de ces journées.
Jeudi soir, je vais à une conférence sur "les nouvelles technologies et les nouveaux emplois". Sur l'estrade, une dame élégante, manifestement très érudite (Administratrice de l'INSEE, Inspectrice générale des finances... c'est pas rien !!!) commence par un diagnostique finalement peu contestable et peu contesté : pas la peine d'avoir une grosse bagnole qui pue, pollue et coûte cher pour aller au boulot, mieux vaut en avoir une petite économique et écologique et en louer une grosse en cas de besoin. Deuxième partie de l'exposé : bientôt, grâce à votre téléphone portable, vous pourrez mettre à votre disposition, ou que vous soyez, des biens et des personnes. Grâce au mobile, vous pourrez louer une heure de transport, de ménage, de cuisine, d'aide à domicile... Tout se fera par des cartes à puces, des badgeages, etc. Bref le meilleur des mondes (numériques) où l'on attend plus son taxi et où l'on n'a plus besoin de demander "qui c'est ?" quand le facteur apporte le courrier. Sur ce, des techniciens chevronnés et un conseiller général, rompus à un novlangue sophistiqué qui laissa pantois une bonne partie de l'auditoire, prirent le relai pour nous préciser les détails de ces prouesses techniques qui nous aideraient à faire la nique aux Chinois.
La deuxième partie de l'exposé fut davantage sujette à polémique. Une dame, notamment, isolée au premier rang à cette heure qui se voulait tardive, rentra vaillamment dans le tas. Manisfestement bien renseignée, elle montrait pourquoi un certain nombre d'affirmations des intervenants posaient problème... en premier lieu qu'on ne louent pas des biens comme des personnes et que les services aux particuliers qu'on nous présentent comme le futur miracle économique, c'était aussi l'une des sources de la précarisation du salariat (féminin). Bien entendu, la dame élégante et instruite qui était sur scène en prit pour son grade et elle signifia à la pouilleuse du premier rang, avec son duffle coat Tati, qu'elle n'y connaissait rien et qu'elle avait du toupet de remettre en cause une vérité absolue sur laquelle tous les économistes sont d'accord. "C'est quand même moi qui suis sur l'estrade ! et bien entendu, ceux qui sont en haut de l'estrade ont toujours le dernier mot.
Jeudi matin. Le monde est petit. Après une conférence sur l'actualité de Marx, je croise à Lyon des élèves que j'avais lâchement abandonnés à Cluses lors d'une traversée de Lyon avec un ami (et néanmoins collègue) pour me rendre à la Bourse du travail suivre une conférence sur les classes moyennes. Après l'intervention d'un statisticien de l'Insee, une jeune femme prend la parole et nous montre comment les nouvelles formes d'emplois génèrent de la précarité, notamment pour les femmes. Bien entendu, la jeune femme est brillante, bardée de diplômes, convaincante, elle a écrit un "Repère" qui est une référence sur la question et... je donne un coup de coude à mon collègue et néanmoins ami... c'est celle qui est intervenue hier dans le public, en entrant dans le (maigre) lard de l'élégante dame bardée de diplômes.

Conclusions :

Il n'y a pas de vérité absolue en économie. Depuis 20 années que je mange des livres et des conférences, combien de grands penseurs ont pondu des vérités universelles qu'on mettait à la poubelle 3-4 ans après.
Loin d'être désenchantés, nombre d'économistes ont une large propension à s'enflammer pour des croyances en des remèdes miracles qui, confrontés au jugement des faits et de la réalité, s'avèrent être de la poudre de perlimpinpin.
Enfin et surtout, s'il y a certainement des mécanismes de base à connaître (mais la base n'est pas la même pour tous), enseigner l'économie, n'est-ce pas d'abord s'interroger et montrer que rien n'est simple ? Pas de recettes miracles, d'innovations aux vertues exceptionnelles, tout avantage se traduit très souvent par des effets colatéraux, des désagréments sociaux, des risques politiques... et comme me disait un autre économiste (qui fait partie, lui aussi, du gratin), en off, autour d'un café, certains économistes feraient bien de faire un peu de socio...

Pour finir, pas de grandes découvertes dans ces journées de l'économie si ce n'est que nous, le fond du plat à gratin des sciences sociales, on s'en sort finalement pas mal. Certes pas d'équations hyper abstraites ni de modèles mathématiques incompréhensibles ou encore de croyances en des innovations miracles qui seront LA richesse de demain ; mais une réelle volonté de s'interroger de façon pluri-disciplinaire sur le monde économique, SOCIAL et POLITIQUE qui nous entoure.
Une fois encore, alors que les politiques se plaignent que les Français sont nuls en économie (enfin, votre prof n'est pas si nul), les réformes à venir risquent de rogner largement sur les SES qui sont, parfois, modestement, un peu de poil à grater dans les rouages parfois si bien huilés de la certitude économique.
Pour en savoir plus, rendez-vous ici. Vous aussi, parents, élèves, collègues, vous pouvez signer !

Publié dans chgobbe

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H
<br /> Je cherche à comprendre... 10/20 à la dernière intéro de stat et 12.5/20 à ce test... Je ne dis pas que ce score est fantastique, mais je ne comprend pas pourquoi il reste plus élevé que ma<br /> moyenne ...<br /> <br /> <br />
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C
<br /> j'ai fait le test et j'ai obtenue 11/20, je ne l'aurai pas cru car le test est assez difficile<br /> <br /> <br />
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C
<br /> Bravo ! Au dessus de la moyenne des diplômés du supérieur... comme quoi les profs de SES ne servent pas à rien ! Raison de plus pour signer la pétition !<br /> <br /> <br />
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E
<br /> J'ai fais le test !! Bon, j'avoue je n'ai pas obtenu 18.5/20 mais quand même...j'ai eu 14/20 !!! =).<br /> Les questions du test sont parfois délicates et certaines même piégeantes!!!<br /> Enfin bref, je suis contente de ma performance sachant d'autant plus que la moyenne de ce test est 9.5/20 !!!!<br /> Enfin bref, faites le c'estun bon petit moment a passer !!!<br /> <br /> <br />
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